Je n'aime pas mon corps
"Je n'aime pas mon corps!"
Qui, à l'adolescence en tout cas, ne s'est jamais dit ça? Qui avouerait être satisfait de son corps, réellement? Qui n'a pas dans la tête de perdre ces 2 ou 3kg qu'ils se disent en "trop"?
On vit dans un monde où personne n'est satisfait. On a presque tout ce que l'on veut, facilement, alors on en demande plus.
Et moi la première. J'ai une chance énorme d'avoir (pratiquement) tout ce que je veux, et tout de suite surtout. Parce que moi, je ne sais pas attendre. Je n'ai jamais manqué de rien. Ni de nourriture, ni d'amour. Et surtout ni d'argent. J'ai la joie de ne pas savoir ce que s'est que "faire attention à la fin du mois". Alors oui, je devrais être heureuse non? Mais le bonheur matériel, même si je l'ai ressentie enfant, n'est pas ce dont j'ai besoin. Mon bonheur a moi, il n'est pas solide. Il se casse à chaque coup de vent. Je ne crois pas mériter ce bonheur. Cette fameuse chose que je m'interdis aussi, inconstamment. Mais je n'arrive pas à mettre des mots sur cet interdit. Mais pour moi, je perdrais quelque chose. Ce bonheur m'amènerait, je le pense, à renoncer à une partie de moi-même. Sauf que peut être, c'est cette partie qui me fait tant souffrir que je perdrais, non?
Mon corps à moi est difforme. Pas de forme au bon endroit. Des hanches à perte de vue. Des cuisses qui vont avec. (Bonhomme Michelin, bonjour). Mon ventre est plat certes, mais ne me plait pas, à cause de ses fameuses hanches. Des bras un peu trop flasques. Mes seins sont petits, mais me conviennent. Et ma tête, n'en parlons pas... Des cheveux atroces, un nez mal formé, des boutons d'acné, ... Bref mon corps est un étranger. Je ne le comprends pas. Je ne l'ai d'ailleurs, jamais compris. Mais la chose qui m'a le plus dérangée, surtout durant mes périodes d'anorexie et de boulimie, c'est mon poids. Car mon corps est tellement étrange, qu'il stocke des kilos je-ne-sais-où.
Je m'explique. J'ai un problème avec les chiffres. (Non je ne suis pas nulle en maths, bien au contraire). Mais mon poids déraille. La balance m'annonce un poids. Un poids toujours trop haut pour moi, mais ça c'est une autre histoire. Ce poids est, malheureusement, faussé. Car mon aspect physique ne reflète pas ce réel poids. Personne n'a jamais compris. Ni les médecins, ni les nutritionnistes, ni moi. Le poids indiqué sur cet engin m'indique près de 5kg en plus par rapport à ce que je suis réellement. Les regards et les mesures ne trahissent pas. Je suis anormalement constituée donc. Je ne devrais pas faire ce poids. Est-ce le poids de la peine? Le poids d'une colère qui me ronge, qui me fait peser plus? Honnêtement, j'aimerais qu'il en soit autrement. Parce que moi, les mesures je m'en fiche. Je veux du chiffre, du chiffre et du chiffre! Comment une balance peut-elle mentir? Ou plutôt comment des dizaines de balance peuvent-elles avoir un résultat aussi faussé? Je suis perdue. Ce chiffre, c'est moi. Cette personne sur la balance ne devient alors qu'un poids. Un poids qui pèse 5kg de trop. Et donc, qui est un poids de trop sur Terre. Et ça fait mal. Je suis incomprise. Je ne me comprends pas.
Ou un autre exemple. J'ai été malade le mois dernier. 11kg se sont envolés en 1mois. Oui je sais... Mais sans que je n'y fasse rien! Je mangeais! Et pas ce qu'il y a de plus sain. Je n'ai pas cherché à le perdre ce poids. Mais bref, j'ai seulement perdue une taille de pantalon. Après 11kg perdue, je m'attendait à plus j'avoue. Mon ventre s'est creusé certes, le S est devenu trop grand. Mais pour le bas... Presque inchangé. Pourtant c'est la partie basse de ce corps que j'aimerais voir fondre. Et ça ne me plait pas. Mon corps n'en fait qu'à sa tête. Et j'en suis malheureuse.
Alors de là, depuis quelques jours, les pensées anorexique sont venues me rattraper. Cette petite voix est revenue. Elle me souffle que je dois m'écarter du sucre, que je dois manger le moins possible, que je dois même sauter des repas. Et puis des idées viennent aussi. Des pensées que je croyais bien loin. Evaporées. Mais la réalité est là : après chaque repas, j'ai envie de restituer tout ça. Je n'ai encore jamais refranchie le pas. Mais ces idées sont malheureusement trop présentes. Trop lourdes. Et quand une personne a des idées aussi fortes, elle finit par succomber. Succomber à la tentation. A l'interdit. Alors je tente de penser à autre chose, de m'occuper l'esprit après les repas. Mais ça m'épuise. N'est-ce pas plus facile de se laisser tenter? D'assumer ses faiblesses? Je ne veux pas rechuter malgré ça! Je me suis trop battue depuis ma sortie de la clinique soin études en juin dernier. Après 3 ans d'hospitalisation. J'ai peur. Je le sais au fond de moi. Si je ne crache pas mon venin, c'est mes tripes que je vais cracher. Pour l'instant je tiens. Pas le choix... Mais pour combien de temps? Combien d'heures? Combien de jours? Ou peut être même combien de mois?
Je veux voir ce poids baissé, sur la balance. Le reste, l'esthétique, je m'en fiche. Enfin je crois...
Je n'aime pas mon corps. Je crois que je ne suis pas la seule. Sauf que moi, ce corps, je veux le détruire. Il n'est le reflet de rien. Ou peut être le reflet d'une immense erreur.
Je ne crois pas qu'un jour j'y arriverais. A m'accepter. Enfin. Comme je suis réellement.
Comme un SOS, je laisse mon corps meurtri parler à ma place. J'ai baissé les bras.
Je dois maigrir.
* Petite Humaine *